L' Octuple Sentier

Le bouddhisme offre des méthodes incroyablement riches pour développer notre concentration et notre conscience discriminante, et pour conduire nos vies de manière éthique. Cependant, nombreux sont celles et ceux qui ne souhaitent pas d’habillage religieux, c’est pourquoi nous présentons ici les Trois Entraînements et l’Octuple Sentier dans le cadre de la science et de la philosophie bouddhiques sous forme de directives pour une vie plus heureuse.
Les trois entraînements
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La pratique de base du bouddhisme implique de nous entraîner dans trois domaines. Puisque nous sommes préoccupés par notre bien-être, soit nous pouvons nous entraîner à surmonter nos propres problèmes et nos souffrances, soit nous pouvons pratiquer ces entraînements avec amour et compassion afin d’être d’un plus grand bénéfice pour les autres.
Quels sont ces entraînements ?
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La discipline éthique – ou la capacité à s’empêcher d’avoir un comportement destructeur. La façon pour nous de développer cela est de s’engager dans un comportement constructif. Le premier entraînement consiste à se discipliner soi-même, sans essayer de discipliner les autres.
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La concentration – ou l’aptitude à focaliser notre esprit afin de ne pas céder au vagabondage mental, à la poursuite de toutes sortes de pensées étrangères. Nous affûtons notre esprit pour qu’il reste concentré et non opaque. En plus de la stabilité mentale, il est nécessaire de développer la stabilité émotionnelle, afin que notre esprit ne soit pas submergé par la colère, l’attachement, la jalousie, etc.
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La conscience discriminante – ou l’aptitude à discerner et faire une différence entre ce qu’il faut adopter et ce qu’il faut rejeter. C’est exactement comme quand nous achetons des légumes, nous faisons des distinctions : « Hum ! Celui-ci n’a pas l’air trop frais, par contre celui-là par contre a l’air parfait. » Alors ici, nous discriminons en termes de comportement, entre ce qui est convenable et ce qui ne l’est pas, selon les circonstances et avec qui nous nous trouvons. À un niveau plus profond, nous opérons une distinction entre ce qu’est la vraie réalité et ce qui n’est que projections et fantasmes.
Science, philosophie et religion bouddhiques
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Que l’on pratique ces Trois Entraînements pour notre bien ou pour celui des autres, nous pouvons les envisager sous deux angles. Ces deux points de vue émanent d’une division opérée par Sa Sainteté le Dalaï-Lama quand Elle s’adresse à un vaste public. Maintenant, pour ce qui est du bouddhisme, il le divise en trois parties : la science bouddhique, la philosophie et la religion bouddhiques.
La science bouddhique fait référence principalement à la science de l’esprit – la manière dont il fonctionne, nos émotions, et ce que le Dalaï-Lama appelle l’hygiène émotionnelle et mentale. Le bouddhisme offre une analyse très détaillée de tous les états émotionnels et de la façon dont ils interagissent entre eux.
Dans le domaine de la science bouddhique sont inclus également :
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Les sciences cognitives – comment fonctionnent nos perceptions, la nature de la conscience et les diverses méthodes pour favoriser le développement de notre concentration
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La cosmogonie – l’analyse détaillée de la formation de l’univers, comment il perdure et comment il cesse
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La matière – une analyse détaillée de la façon dont fonctionnent la matière, l’énergie, les particules subatomiques et autres
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La médecine – la façon dont les énergies fonctionnent dans le corps.
N’importe qui peut étudier, apprendre et tirer profit de ces sujets, et le Dalaï-Lama s’entretient souvent de ces matières avec des scientifiques.
La deuxième division concerne la philosophie bouddhique. Elle inclue des sujets tels que :
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L’éthique – la discussion sur les valeurs humaines de base, telles que la bonté et la générosité, qui ne sont liées à aucune religion en particulier et dont chacun peut tirer bénéfice.
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La logique et la métaphysique – une exposition détaillée de la théorie des séries, des universaux, des spécifiques, des qualités, des caractéristiques, etc., la façon dont ils fonctionnent et interagissent et comment nous les appréhendons.
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Les causes et les effets – une analyse détaillée de la causalité, de ce qu’est la réalité, et la façon dont nos projections la déforment.
Encore une fois, la philosophie bouddhique n’est pas nécessairement destinée aux bouddhistes, c’est quelque chose dont tout le monde peut tirer profit.
La troisième division, la religion bouddhique, comprend la véritable sphère de la pratique bouddhiste. De ce fait elle traite entre autres choses du karma, de la renaissance, des rituels, des mantras, etc. Elle est donc destinée en particulier aux personnes qui suivent la voie bouddhiste.
On peut présenter les Trois Entraînements du point de vue de la science et de la philosophie bouddhiques en les rendant appropriés et praticables par tout un chacun, comme on peut, en plus de ces deux aspects, les présenter du point de vue de la religion. Ceci correspond à faire une division entre ce que j’appellerais un « Dharma allégé » et un « véritable et authentique Dharma pur sucre ».
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Le Dharma light – consiste à pratiquer les méthodes de la science et de la philosophie bouddhiques uniquement dans le but d’améliorer notre vie actuelle.
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Le Dharma intégral – consiste à mettre en œuvre les Trois Entraînements en vue de réaliser les trois objectifs du bouddhisme, à savoir une meilleure renaissance, la libération du cycle des renaissances, et l’éveil (illumination).
Quand je parle de « Dharma light », en général c’est en termes de démarche préliminaire au « Dharma intégral », pour la simple raison qu’avant de songer à atteindre des objectifs spirituels plus élevés, nous devons admettre notre besoin d’améliorer notre vie de tous les jours. Toutefois, la science et la philosophie bouddhiques ne sont pas des préliminaires nécessaires à la religion bouddhique, aussi pouvons-nous nous intéresser à l’usage des Trois Entraînements pour améliorer notre vie d’une manière plus générale, et sans en faire un prérequis pour suivre une voie bouddhiste.
Les Quatre Nobles Vérités
À partir de la philosophie bouddhique, on a une présentation générale de la voie sur laquelle la pensée bouddhique chemine. On parle habituellement des Quatre Nobles Vérités. On peut également les envisager sous l’angle des quatre faits existentiels, à savoir :
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Si l’on considère la souffrance et les problèmes auxquels nous devons tous faire face, le premier fait est que la vie est difficile.
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Le deuxième fait est que nos problèmes existentiels proviennent de causes.
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Le troisième fait est que nous pouvons mettre un terme à ces problèmes ; nul besoin de baisser la tête et de les subir, nous pouvons les résoudre.
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Le quatrième fait est que nous pouvons nous débarrasser de nos problèmes par l’élimination de leur cause. Ceci peut être réalisé en suivant une voie de compréhension qui dispense des conseils sur la façon d’agir, de parler, etc.
C’est pourquoi nous devons changer notre façon d’agir et de parler si telle est la cause de nos problèmes. Ceci est une façon très utile de comprendre les Trois Entraînements parce qu’elle nous indique la raison pour laquelle nous devrions nous y engager. C’est pourquoi, si nous rencontrons des problèmes dans notre vie, nous nous interrogerons pour savoir :
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S’il y a un problème de discipline éthique dans notre façon d’agir et de parler ?
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Si nous avons un problème de concentration, si nous avons un problème de dispersion, si nous sommes dans état de désordre émotionnel ?
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En particulier, y-a-t-il un problème d’interprétation entre la réalité et nos projections déraisonnables ?
Nous pouvons nous contenter d’appliquer ceci à notre vie actuelle, ou nous pouvons l’étendre aux problèmes que nous pourrions rencontrer dans des vies futures. Au niveau d’un débutant, nous devrions nous contenter d’envisager ces entraînements en termes de vie quotidienne : comment peuvent-ils nous aider ? Que faisons-nous qui nous cause des problèmes ? Que pouvons-nous faire pour les alléger ?
La Cause de la souffrance
Du point de vue de la philosophie bouddhique, la cause de notre souffrance est l’ignorance. Nous sommes ignorants ou confus à propos de deux choses en particulier.
La première est notre ignorance du lien de cause à effet, en particulier en ce qui concerne notre comportement. Si nous sommes la proie d’émotions perturbatrices telles que la colère, l’avidité, l’attachement, l’orgueil, la jalousie, etc., nous agissons de manière destructrice. Sous l’empire de la colère, nous crions après les gens, si nous sommes jaloux, nous essayons de leur nuire, si nous sommes attachés, nous nous cramponnons à eux – tout ceci nous cause des problèmes. Du fait que ces émotions nous poussent à agir de façon destructrice, ou plutôt, de façon destructrice pour nous-mêmes, le résultat final est le malheur.
Il est utile de se pencher sur la définition de l’expression « émotion perturbatrice ». C’est un état d’esprit qui, lorsqu’il s’élève, nous fait perdre notre paix intérieure et notre maîtrise. Quand nous crions après les gens, il se peut que cela les perturbe ou non. Il se peut même qu’ils n’entendent pas ce que nous disons et se contentent d’en rire ou de penser que nous sommes stupides. Mais nous perdons notre calme intérieur et sommes émotionnellement perturbés, ce qui peut durer longtemps après le fait d’avoir crié. C’est une expérience désagréable. En outre, du fait d’avoir perdu le contrôle de nous-mêmes, nous nous sommes laissés aller à dire des choses que nous pourrions regretter plus tard.
Nous agissons ainsi parce que :
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Nous ne comprenons pas vraiment la loi de cause et effet. Souvent, nous ne comprenons pas que si nous agissons d’une certaine façon, sous l’influence de certaines émotions perturbantes, cela ne nous apportera que des désagréments.
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Ou bien, nous sommes confus par rapport à la loi de causalité et en avons une compréhension inversée. Souvent, nous pensons que si nous nous mettons à crier après quelqu’un cela nous fera nous sentir mieux, ce qui, bien sûr, n’est jamais le cas. Ou encore, si nous sommes attachés à une personne, il se peut que nous nous demandions : « pourquoi ne m’appelle-t-elle pas et ne me rend-elle pas visite plus souvent ? », ce qui bien entendu la fait fuir. N’en est-il pas ainsi ? Nous n’accomplissons pas ce que nous voulons parce que nous sommes confus sur la manière dont fonctionne la loi de cause et effet.
Le deuxième type d’ignorance que nous entretenons concerne la réalité. Du fait que nous sommes confus à son sujet, nous adoptons des attitudes perturbatrices. Un bon exemple nous est fourni par le fait d’être autocentrés, de toujours penser à soi, moi, je. Cela peut s’avérer très moralisateur, car cela peut tourner au syndrome d’avoir le sentiment que nous devons être parfaits. Même si nous agissons de manière constructive, essayant d’être parfaits, veillant à ce que tout soit en ordre – cela peut virer à l’obsession. Quand bien même nous en tirons un bonheur temporaire, très vite cela se change en frustration, du fait que nous nous disons « je ne suis pas assez bien » et nous forçons sans cesse à vouloir faire mieux.
Prenons l’exemple d’une personne obsédée par la propreté – une perfectionniste du nettoyage de sa maison. Une telle personne est sous l’emprise de l’idée fausse qu’elle peut tout maîtriser et tout maintenir dans un état de propreté et d’ordre. Mais ce n’est pas possible ! À peine a-t-elle tout nettoyé pour que tout soit parfait et qu’elle se sente bien, que les enfants rentrent à la maison et mettent tout sens dessus dessous ! Elle en éprouve de la contrariété et doit recommencer à tout nettoyer. En fait, cela devient compulsif. Et chaque fois que l’on ressent un peu de bonheur – « Ah ! Tout est en ordre maintenant » – très vite ce sentiment s’évanouit. Il y a toujours quelque chose qui nous a échappé !
En perpétuant ce genre d’état d’esprit, que ce soit une émotion ou une attitude perturbatrices, par la répétition de ce type de comportement obsessionnel, on fait l’expérience de ce que s’appelle « la souffrance toute-pénétrante, ou omniprésente ». Cela concerne la façon dont nous construisons des habitudes, lesquelles véritablement perpétuent nos problèmes.
Cela ne nous affecte pas seulement mentalement, mais de manière physique également. Par exemple, il se peut que nous ayons de la tension artérielle si nous sommes constamment en colère et que nous développions un ulcère à force de nous faire du souci, etc. Ou bien, si nous sommes un maniaque de la propreté, il est difficile de nous détendre. Nous sommes toujours sous tension parce que nous pensons que tout doit être parfait, alors que rien ne l’est jamais…
Vidéo : Le 41ᵉSakya Trizin — « Pourquoi étudier le bouddhisme ? »
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Comment les Trois Entraînements nous permettent d’éliminer les causes de nos problèmes
Ce dont nous avons vraiment besoin, ce sont des Trois Entraînements :
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Nous avons besoin de la conscience discriminante pour venir à bout de notre confusion.
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Par exemple, quand on est en passe de devenir un maniaque de la propreté, quand on a le fantasme : « tout doit être parfait et propre, je dois tout maîtriser », disons-nous plutôt : « il est certain que ma maison va se salir, ce n’est pas quelque chose de maîtrisable ». Nous sommes alors plus détendu parce que, oui, nous pouvons toujours continuer à nettoyer la maison mais sans en faire une obsession. Dans les textes traditionnels il y a cette image de couper un arbre avec une hache tranchante.
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Pour abattre un arbre avec une hache, il faut frapper régulièrement au même endroit, c’est la concentration. Si notre esprit est sans arrêt distrait, nous perdons cette conscience discriminante. C’est pourquoi nous avons besoin de concentration pour pouvoir frapper au même endroit avec la hache.
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Se servir d’une hache requiert de la force. Si nous n’avons pas de force, nous ne pouvons même pas lever la hache. Cette force provient de l’autodiscipline éthique.
C’est ainsi que nous en venons à comprendre comment les Trois Entraînements peuvent nous aider à surmonter la cause de nos problèmes. Nous pouvons les appliquer dans leur intégralité sans nous référer du tout à la religion bouddhique, ils conviennent donc à chacun. Mais avant de continuer, passons rapidement en revue ce que nous avons appris :
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Nous utilisons la conscience discriminante pour faire la différence entre fantasmagorie et réalité, ainsi pouvons-nous distinguer dans notre comportement la cause de l’effet. Sans conscience discriminante, notre comportement et nos attitudes deviennent cause de désagréments ou, à tout le moins, cause d’un bonheur qui ne nous satisfait jamais vraiment.
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Afin de bien comprendre ce qui précède, nous avons besoin d’avoir une bonne concentrationpour rester attentifs.
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Pour développer une bonne concentration, nous avons besoin de discipline afin que, quand notre esprit s’égare, nous puissions le ramener à bon port.
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Nous souhaitons mettre en œuvre ces Trois Entraînements pour nous aider à régler nos problèmes et améliorer notre qualité de vie.
La vision clé pour se tenir à l’écart de tout ça, c’est que le bonheur et l’insatisfaction que nous éprouvons dans la vie proviennent de notre propre confusion. Au lieu de reporter la responsabilité de nos problèmes sur les autres, la société, le contexte économique, etc., nous nous ancrons à un niveau plus profond. Nous examinons notre état d’esprit en rapport avec ces situations. Il se peut que devions faire face à nombre de situations difficiles, mais en l’occurrence nous traitons ici de notre sentiment général de frustration et de celui d’un bonheur fugace. Nous devons viser plus haut, tendre vers le type de bonheur qui va de pair avec un esprit en paix, et qui est beaucoup plus stable et durable.
Quand nous rencontrons des difficultés, nous pouvons tomber dans la déprime et nous sentir complètement abattus. Ou bien, en examinant la situation plus clairement, nous pouvons y faire face avec un esprit paisible et voir les implications et les moyens pour nous en sortir, au lieu de seulement nous apitoyer sur nous-mêmes.
Prenons le cas où votre enfant sort le soir et où vous vous faites du souci. Vous vous dites : « Va-t-il revenir à la maison sain et sauf ? » De nouveau la source de votre inquiétude et de votre malaise réside dans l’attitude qui nous amène à penser que : « en quelque sorte, je dois pouvoir maîtriser de la sécurité de mon enfant », ce qui bien sûr est une fantasmagorie. Quand il revient à la maison sain et sauf, vous vous sentez heureux et soulagés, mais à la prochaine sortie, de nouveau vous vous inquiétez. Ainsi cette sorte de soulagement ne dure pas, n’est-ce pas ? Or, comme nous sommes constamment inquiets, ce sentiment se perpétue. Nous en avons pris une telle habitude que nous nous inquiétons à propos de tout, et cela affecte notre santé. Il s’agit là d’un état fort désagréable.
Le point clé c’est de bien comprendre que la cause de tout ça réside dans notre propre confusion. Nous pensons qu’agir d’une certaine façon engendre le bonheur, ou qu’une attitude consistant à vouloir tout contrôler ou maîtriser est juste, mais ce n’est pas le cas. Tranchons net ce genre de pensées par un puissant « c’est absurde ! » et n’en démordons pas.
Résumé
Lorsque l’on réfléchit sur les quatre faits de la vie, on se sent encouragés par le fait que nos problèmes et nos émotions négatives ne sont pas statiques mais peuvent être améliorés, et mieux encore, peuvent même être complètement éradiqués. Une fois traitées les causes de la souffrance, cette dernière cesse, bien que les causes ne disparaissent pas d’elles-mêmes.
Dans le cadre des Trois Entraînements de l’éthique, de la concentration et de la conscience discriminante se trouve une étonnante manière de mener nos vies. En les combinant simultanément, ils nous permettent de nous approcher au plus près de ce que nous recherchons sans cesse, à savoir : le bonheur.
Comment les Trois Entraînements nous permettent d’éliminer les causes de nos problèmes
Ce dont nous avons vraiment besoin, ce sont des Trois Entraînements :
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Nous avons besoin de la conscience discriminante pour venir à bout de notre confusion.
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Par exemple, quand on est en passe de devenir un maniaque de la propreté, quand on a le fantasme : « tout doit être parfait et propre, je dois tout maîtriser », disons-nous plutôt : « il est certain que ma maison va se salir, ce n’est pas quelque chose de maîtrisable ». Nous sommes alors plus détendu parce que, oui, nous pouvons toujours continuer à nettoyer la maison mais sans en faire une obsession. Dans les textes traditionnels il y a cette image de couper un arbre avec une hache tranchante.
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Pour abattre un arbre avec une hache, il faut frapper régulièrement au même endroit, c’est la concentration. Si notre esprit est sans arrêt distrait, nous perdons cette conscience discriminante. C’est pourquoi nous avons besoin de concentration pour pouvoir frapper au même endroit avec la hache.
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Se servir d’une hache requiert de la force. Si nous n’avons pas de force, nous ne pouvons même pas lever la hache. Cette force provient de l’autodiscipline éthique.
C’est ainsi que nous en venons à comprendre comment les Trois Entraînements peuvent nous aider à surmonter la cause de nos problèmes. Nous pouvons les appliquer dans leur intégralité sans nous référer du tout à la religion bouddhique, ils conviennent donc à chacun. Mais avant de continuer, passons rapidement en revue ce que nous avons appris :
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Nous utilisons la conscience discriminante pour faire la différence entre fantasmagorie et réalité, ainsi pouvons-nous distinguer dans notre comportement la cause de l’effet. Sans conscience discriminante, notre comportement et nos attitudes deviennent cause de désagréments ou, à tout le moins, cause d’un bonheur qui ne nous satisfait jamais vraiment.
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Afin de bien comprendre ce qui précède, nous avons besoin d’avoir une bonne concentrationpour rester attentifs.
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Pour développer une bonne concentration, nous avons besoin de discipline afin que, quand notre esprit s’égare, nous puissions le ramener à bon port.
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Nous souhaitons mettre en œuvre ces Trois Entraînements pour nous aider à régler nos problèmes et améliorer notre qualité de vie.
La vision clé pour se tenir à l’écart de tout ça, c’est que le bonheur et l’insatisfaction que nous éprouvons dans la vie proviennent de notre propre confusion. Au lieu de reporter la responsabilité de nos problèmes sur les autres, la société, le contexte économique, etc., nous nous ancrons à un niveau plus profond. Nous examinons notre état d’esprit en rapport avec ces situations. Il se peut que devions faire face à nombre de situations difficiles, mais en l’occurrence nous traitons ici de notre sentiment général de frustration et de celui d’un bonheur fugace. Nous devons viser plus haut, tendre vers le type de bonheur qui va de pair avec un esprit en paix, et qui est beaucoup plus stable et durable.
Quand nous rencontrons des difficultés, nous pouvons tomber dans la déprime et nous sentir complètement abattus. Ou bien, en examinant la situation plus clairement, nous pouvons y faire face avec un esprit paisible et voir les implications et les moyens pour nous en sortir, au lieu de seulement nous apitoyer sur nous-mêmes.
Prenons le cas où votre enfant sort le soir et où vous vous faites du souci. Vous vous dites : « Va-t-il revenir à la maison sain et sauf ? » De nouveau la source de votre inquiétude et de votre malaise réside dans l’attitude qui nous amène à penser que : « en quelque sorte, je dois pouvoir maîtriser de la sécurité de mon enfant », ce qui bien sûr est une fantasmagorie. Quand il revient à la maison sain et sauf, vous vous sentez heureux et soulagés, mais à la prochaine sortie, de nouveau vous vous inquiétez. Ainsi cette sorte de soulagement ne dure pas, n’est-ce pas ? Or, comme nous sommes constamment inquiets, ce sentiment se perpétue. Nous en avons pris une telle habitude que nous nous inquiétons à propos de tout, et cela affecte notre santé. Il s’agit là d’un état fort désagréable.
Le point clé c’est de bien comprendre que la cause de tout ça réside dans notre propre confusion. Nous pensons qu’agir d’une certaine façon engendre le bonheur, ou qu’une attitude consistant à vouloir tout contrôler ou maîtriser est juste, mais ce n’est pas le cas. Tranchons net ce genre de pensées par un puissant « c’est absurde ! » et n’en démordons pas.
Résumé
Lorsque l’on réfléchit sur les quatre faits de la vie, on se sent encouragés par le fait que nos problèmes et nos émotions négatives ne sont pas statiques mais peuvent être améliorés, et mieux encore, peuvent même être complètement éradiqués. Une fois traitées les causes de la souffrance, cette dernière cesse, bien que les causes ne disparaissent pas d’elles-mêmes.
Dans le cadre des Trois Entraînements de l’éthique, de la concentration et de la conscience discriminante se trouve une étonnante manière de mener nos vies. En les combinant simultanément, ils nous permettent de nous approcher au plus près de ce que nous recherchons sans cesse, à savoir : le bonheur.
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On s’exerce aux Trois Entraînements, un exposé sur la manière de s’y prendre s’appelle « l’Octuple Sentier ». Ce sont en fait huit types de pratiques auxquelles nous nous adonnons en vue de développer trois aspects.
En ce qui concerne l’entraînement à la discipline éthique, il y a trois pratiques :
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La parole juste – notre façon de communiquer
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Les justes limites à nos actes – notre façon de nous comporter
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Les moyens de subsistance corrects – comment nous subvenons à nos besoins.
En ce qui concerne l’entraînement à la concentration, il en existe aussi trois :
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L’effort juste – débarrasser notre esprit des schémas de pensée destructeurs et développer des états d’esprit propices à la méditation
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L’attention juste – ne pas laisser s’échapper l’objet de notre concentration ainsi que notre motivation
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La concentration juste – rester concentré sur quelque chose de constructif.
En ce qui concerne l’entraînement à la pleine conscience, il y en a deux :
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La vue juste – la croyance en ce que nous prenons pour vrai, fondée sur une discrimination valide entre ce qui est correct et incorrect, ou entre ce qui est dommageable et bénéfique
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L’intention juste (ou motivation correcte) – garder l’état d’esprit positif auquel nous conduit notre vision juste.
Sous une forme plus élaborée, chacune des huit pratiques comporte une façon erronée (fautive) d’être appliquée que nous devons écarter, de même qu’une façon correcte que nous devons adopter.
La Parole
La manière dont nous nous adressons aux autres reflète notre état d’esprit. Cela influe sur leurs sentiments à notre égard et la façon dont ils nous considèrent et nous traitent en retour. C’est pourquoi il est nécessaire de connaître quelles sont les bonnes façons de leur parler pour les aider et lesquelles sont impropres.
La parole erronée
La parole incorrecte est cause de problèmes et de désagréments :
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Mentir – le fait dedire ce qui est faux et de tromper les autres. Si nous sommes connu comme quelqu’un qui ment ou trompe les autres par ses propos, personne ne nous croira, ne nous fera confiance, ni même n’écoutera ce que nous disons. Cela crée une situation malheureuse.
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Semer la discorde – le fait de médire sur les gens au sujet de leurs amis ou de leurs partenaires, essayer de nuire à leurs relations. Cela a pour effet que les gens s’étonnent des propos que nous tenons sur leur compte dans leur dos, au détriment de nos propres relations.
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Parler durement – parler de façon blessante, crier après les autres, les injurier. Quand nous malmenons les autres avec nos paroles, eux-mêmes, à moins d’être masochistes, feront de même à notre égard. Personne ne souhaitera rester dans le voisinage de quelqu’un qui crie constamment sur son dos.
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Bavarder sans raison – le fait de parler sans arrêt, coupant la parole aux autres, proférant des bêtises ou colportant des ragots. La conséquence sera que personne ne nous prendra au sérieux et que les gens penseront qu’il est pénible de nous fréquenter. Nous perdons notre temps et faisons perdre le leur aux autres.
La parole juste
Une parole constructive est celle qui nous retient de céder aux quatre sortes de paroles erronées précédemment évoquées. Le premier niveau de discipline, dans le cas où nous serions enclins à dire quelque chose de faux, à crier après quelqu’un, à nous livrer au bavardage, est de reconnaître que c’est destructeur et source de malaise, et d’essayer le plus possible de s’en empêcher.
Ce n’est pas facile du tout, car cela nécessite de se ressaisir au moment qui précède juste le moment où on allait parler de manière compulsive. C’est comme de vouloir un morceau de gâteau. Il arrive parfois qu’on ait la possibilité d’en avoir une seconde part, mais avant de s’en saisir avec avidité, nous pouvons nous dire : « bien que j’en aie envie, je ne cède pas à mon envie. Je n’ai nul besoin de ce gâteau ; cela me fera grossir, or justement je dois perdre du poids ». C’est de cela qu’il s’agit quand on parle de discipline.
Quand nous nous sentons portés à agir de la sorte, Shantideva, un maître de l’Inde ancienne, préconisait de rester inerte comme un bout de bois. Bien que j’aie envie de crier après quelqu’un ou de dire quelque chose de méchant, je réalise que la personne et moi-même nous sentirons mal, aussi je me tais. Je reste comme une souche. Bien que j’aie envie de plaisanter stupidement ou de faire une remarque désobligeante, je prends conscience que ce sont des propos futiles et je reste muet. C’est de cela qu’il s’agit.
Le deuxième stade de discipline est quand, au lieu de céder à notre penchant, nous nous proposons d’agir de manière constructive, à savoir de parler de façon bénéfique. Cette attitude vient du fait qu’agir ainsi sera une source de bonheur et rendra n’importe quelle situation plus harmonieuse. Ce dont nous avons besoin c’est de penser en termes de cause et d’effet.
En réalité, cultiver une parole juste demande un effort très conscient de notre part et la résolution ferme de parler honnêtement, avec douceur et bienveillance, au moment approprié, à bon escient, et de tenir seulement des propos sensés :
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Nous devons nous efforcer de ne pas interrompre constamment les autres, de les appeler ou de leur envoyer des messages, en particulier pour des choses triviales comme de savoir ce que vous avez pris pour votre petit-déjeuner, ou pour colporter des potins. C’est du bavardage sans valeur qui ne fait que les déranger.
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Une manière appropriée, quand nous nous adressons aux autres, serait de ne pas trop parler ou d’essayer de les convaincre à toute force à propos de certaines choses, en particulier s’ils sont déjà d’accord avec nous.
Bien sûr, nous devons faire preuve de discrimination. Par exemple, pour ce qui est de parler de manière vraie, si nous nous trouvons en face d’une personne qui porte un vêtement disgracieux ou une vilaine chemise, nous évitons de lui dire : « c’est vraiment laid ». Parfois il faut faire attention, cela dépend de la personne. Je pense à ma sœur. Elle vient de me rendre visite, et juste au moment où nous nous proposons de sortir, elle enfile une veste. Celle-ci est un peu trop étriquée et ne lui va pas bien, mais du fait qu’elle est ma sœur je peux me permettre de le lui dire. Il est cependant difficile de dire cela à quelqu’un qui n’est pas de votre famille ! Vous ne diriez pas à votre nouvelle petite amie : « tu portes une vilaine veste. Mets autre chose ! », même si c’est la vérité.
Quant à tenir des propos durs, il est parfois nécessaire d’employer la manière forte. Si votre enfant joue avec des allumettes, ou un briquet, il est nécessaire de le réprimander. Cela n’est pas à mettre au compte de propos durs, car votre motivation n’est pas celle de la colère. Aussi, la motivation est-elle primordiale.
Autres exemples de parole erronée
Nous pouvons également élargir le spectre des paroles erronées non seulement à celles que nous proférons à l’adresse d’autrui mais aussi envers nous-mêmes. Nous pouvons étendre de bien des façons le champ de ces propos destructeurs.
Mentir peut aussi comprendre le fait de mentir aux autres pour ce qui est de nos sentiments et de nos intentions à leur égard. Nous pouvons nous montrer très gentils envers quelqu’un – allant même jusqu’à nous en persuader – quand en fait tout ce que nous désirons c’est son argent, ou autre chose. En un certain sens, il s’agit là d’une tromperie. Bien sûr nous n’allons pas jusqu’à dire à cette personne : « en réalité je ne t’aime pas, tout ce que je veux c’est ton argent », car ce serait quelque peu déplacé. Mais nous devons examiner clairement si nous avons été honnêtes quant à nos sentiments et nos intentions.
Les paroles qui sèment la discorde sont celles qui sont tellement odieuses qu’elles font que nos amis nous quittent. Certains ne cessent de se plaindre ou sont constamment négatifs, ce qui a pour effet de tenir les gens éloignés. En nous comportant ainsi, qui aurait envie de nous fréquenter ? Ou encore, le fait de parler continuellement sans même laisser aux autres la possibilité de dire quelque chose, cela aussi tient les gens à l’écart. Nous connaissons tous des gens comme ça, et il est peu vraisemblable que nous souhaitions les rencontrer souvent. Il est bien de tenir des propos aimables à propos des autres et d’être positifs le plus possible.
Les paroles dures surviennent non seulement quand nous agressons les autres mais aussi nous-mêmes. Quand nous disons aux autres qu’ils sont épouvantables ou stupides, bien entendu, c’est cruel, et ça l’est tout autant quand c’est dirigé contre soi. Cela ne nous rend certes pas plus heureux, c’est pourquoi il est important de conserver vis-à-vis de soi une bonne attitude, aussi bien dans la façon dont nous nous traitons que dans la façon dont nous nous parlons à nous-mêmes.
En ce qui concerne le bavardage, nous ne devrions pas parler sans discernement de nos affaires privées, de nos doutes, de nos soucis, etc. Certaines choses ne doivent pas ou ne devraient tout simplement pas être partagées avec les autres. Par exemple, si une personne est sur le point de vous confier son homosexualité ou le fait qu’elle a un cancer, et qu’elle vous demande de garder cela pour vous, bien entendu il faut le faire. Trahir la confiance de quelqu’un fait partie du domaine du bavardage.
La parole juste concerne véritablement le fait de parler de manière appropriée, au bon moment, et dans de bonnes circonstances. Parfois nous devons parler de manière plus stricte, d’autres fois de manière plus libre. Nous devons parler de façon à ce que les gens se sentent à l’aise. Quand nous expliquons quelque chose à un enfant, nous devons le faire de manière à ce qu’il comprenne, mais cela s’applique aussi aux adultes ou aux personnes d’autres cultures, cela dépend.
Les limites de l’action (le Comportement)
Le deuxième point de l’Octuple Sentier concerne les « justes limites de l’action », qui est le terme technique. Quand nous parlons de limites, nous parlons de certaines limites à ne pas franchir : « j’agirai jusqu’à ce point, mais pas au-delà ».
Les comportements erronés
Transgresser les limites se réfère à trois types de comportements destructeurs :
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Prendre la vie– tuer un être vivant
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Prendre ce qui ne nous a pas été donné– prendre quelque chose qui ne nous appartient pas, voler
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S’engager dans une conduite sexuelle inappropriée.
Tuer
Plus simplement, c’est ôter la vie à quelqu’un d’autre. Cela ne concerne pas uniquement les êtres humains, mais inclut toutes sortes d’animaux, poissons, insectes, etc.
Pour la plupart d’entre nous, il n’est pas difficile de s’abstenir de chasser ou de pêcher. Pour certains, ne pas tuer d’insectes est plus difficile. Il y a plusieurs approches sans pour autant s’engager dans des considérations sur les vies passées ou futures du genre « cette mouche a été ma mère dans une vie antérieure ». Le point important réside dans le fait que, même si quelque chose nous agace, nous n’adoptons pas comme attitude celle de tuer de manière instinctive. Celle-ci a pour effet d’instaurer l’habitude de détruire de façon violente dès que quelque chose nous agace, et de faire en sorte que cela dépasse de loin la simple mouche qui virevolte autour de notre visage. Au lieu de cela, nous devons essayer de trouver des méthodes apaisées pour réagir aux choses qui nous dérangent. Ainsi, que ce soit avec les mouches ou les moustiques, quand ils se posent sur un mur, nous pouvons placer un verre sur eux, glisser une feuille de papier en-dessous et les relâcher à l’extérieur. Dans de très nombreux cas, il est possible de choisir des façons beaucoup plus inoffensives et moins violentes de réagir aux choses que nous n’aimons pas.
Si vous viviez en Inde, comme ce fut mon cas, vous apprendriez à vivre avec les insectes. En Inde, il est quasiment impossible de venir à bout des insectes. J’ai même été jusqu’à imaginer une campagne de publicité pour agence de voyage : « Si vous aimez les insectes, vous adorerez l’Inde ! » Dans les premiers temps de mon installation en Inde, le contexte d’où je venais faisait de moi quelqu’un qui n’aimait guère les insectes, bien que je sois un vrai fan de science-fiction. Je pensais que si je devais jamais me rendre sur quelque planète éloignée et que la vie n’y soit présente que sous forme d’insectes, ce serait une chose terrible que d’avoir pour seule envie celle de les écraser ! En revanche si l’on commence par se mettre à leur place – après tout ils mènent leur vie à leur manière – alors on commence à les respecter comme étant une forme différente de vie.
Assurément, il existe des insectes nuisibles, tout comme il y a des gens nuisibles, et il est parfois nécessaire d’avoir recours à des méthodes radicales pour les contrôler. Cependant il vaut mieux essayer la méthode douce dans un premier temps, qu’il s’agisse de conflits entre les humains ou d’une maison infestée de fourmis ou de cafards.
Mais considérons les sauterelles, dans le cas où elles mangent vos récoltes. Tout est dans la motivation. À ce propos, on trouve un bon exemple dans l’une des vies antérieures du Bouddha, quand il était capitaine de bateau. À bord se trouvait un individu dont l’intention était de tuer tout le monde, et le Bouddha vit qu’il n’y avait aucun moyen non violent d’éviter un carnage ; la seule solution consistait à tuer le futur meurtrier lui-même. Le bouddha le tua donc, animé d’une motivation de compassion – autant pour sauver la vie des passagers que pour empêcher le meurtrier d’accumuler une énorme quantité de karma négatif – plutôt que poussé par la colère ou la peur. Mais le Bouddha, tout en reconnaissant qu’il commettait un crime et que, en dépit de sa motivation, c’était un acte destructeur, décida à part lui : « je suis prêt à prendre sur moi les conséquences karmiques d’un tel acte afin d’épargner la vie des passagers. »
C’est pourquoi, s’il est nécessaire de tuer un prédateur comme les sauterelles pour sauver les récoltes – non par colère, ou peur, ou dans l’idée de se faire beaucoup d’argent en vendant les récoltes – mais par compassion, alors les conséquences seront bien moindres que sous l’empire de la colère. Toutefois, à l’instar du Bouddha, il est important de reconnaître que c’est là un acte négatif et d’en accepter toutes les conséquences qui pourraient en découler.
Voler
La plupart des gens sont beaucoup plus attachés à leur vie qu’à leurs possessions, cependant si nous prenons le bien d’autrui, cela crée des deux côtés beaucoup de désagrément. En particulier, le voleur est harcelé par le sentiment : « est-ce que je vais me faire prendre ? »
Maintenant, ce que nous recherchons c’est d’éviter d’avoir des problèmes. De toute évidence, tuer un poisson ou un insecte constitue un problème pour eux. Mais nous aussi nous avons un problème. Si nous sommes très dérangés par les insectes, nous sommes constamment agacés à l’idée que des moustiques puissent envahir notre espace et nous obligent à nous relever la nuit pour leur faire la chasse. C’est là un état d’esprit inconfortable. Si nous usons de méthodes plus douces vis-à-vis de ces choses, notre esprit se sent plus à l’aise.
Il y a aussi des exemples de tuerie et de vol inspirés par des motivations opposées :
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Il se peut que l’on tue par attachement ou avidité, peut-être parce que l’on veut vraiment manger de la viande ou du poisson. S’il n’y a absolument rien d’autre à manger, c’est une chose, s’il existe des alternatives, c’en est une autre.
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Il se peut que l’on commette un vol sous le coup de la colère, parce qu’on veut faire du mal à quelqu’un, alors on s’empare de quelque chose qui lui appartient.
Conduite sexuelle inappropriée
C’est un sujet difficile car, pour la majorité d’entre nous, derrière la forte pulsion de notre comportement sexuel se tient la nostalgie du désir. Sur ce sujet, le bouddhisme donne les lignes directrices fondamentales de ce qu’il convient d’éviter :
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Causer du tort par notre comportement sexuel, soit en commettant un viol, soit en violentant autrui
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Contraindre autrui, que ce soit notre propre partenaire, à avoir une relation sexuelle, quand cette personne ne le veut pas
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Avoir une relation sexuelle avec le ou la partenaire d’une autre personne, ou si nous avons un ou une partenaire, en ayant une relation avec quelqu’un d’autre. Peu importe la dissimulation que nous y mettons, cela provoque toujours des troubles et des complications, n’est-ce pas ?
Il existe bien d’autres aspects de conduites sexuelles inappropriées, mais derrière tout ça, ce qui compte, c’est de ne pas agir comme des bêtes. Un animal va sauter sur un autre chaque fois qu’il le désire, peu importe les personnes qui se trouvent autour. Il est entièrement soumis au désir et à la luxure, or c’est ce que nous cherchons à éviter.
Pour notre part, ce que nous cherchons, c’est de fixer certaines limites à notre comportement sexuel et de nous y tenir, sans les transgresser. Ces limites peuvent concerner la fréquence de nos rapports, le type d’acte sexuel, les positions, ou d’autres choses. Le but est d’établir certaines règles pour notre conduite sexuelle et de ne pas nous livrer à toutes les expériences que nous fantasmons, à n’importe quelle heure, en n’importe quel lieu et avec n’importe qui. Ceci est très important en termes d’autodiscipline et d’éthique. La discipline consistant à nous tenir dans les limites que nous nous sommes fixées, en comprenant que leur transgression est simplement fondée sur la luxure, et que celle-ci est la cause d’innombrables problèmes.
Prise de stupéfiants
Prendre des stupéfiants n’est pas compris dans les actes destructeurs, mais s’en déshabituer est très important pour notre développement.
Nous voulons développer la concentration, nous voulons développer notre discipline ? Très bien ! Mais quand nous sommes ivres, nous perdons toute discipline, n’est-ce pas ? En prenant des drogues psychédéliques ou de la marijuana, nous perdons toute concentration. Notre esprit est plein de pensées vagabondes et d’idées fantasques. Si nous tenons compte des effets des diverses drogues, ou de l’alcool, et les comparons avec ceux que nous nous proposons d’atteindre en termes de développement personnel, nous voyons que le fait de planer ou d’être ivre leur est contraire. Cela crée des obstacles qui ne durent pas seulement le temps d’une ivresse, cela comporte aussi des séquelles comme d’avoir la gueule de bois ! C’est pourquoi il est plus que salutaire de s’imposer des limites quant à leur utilisation, et, bien entendu, le mieux est de s’en passer complètement.
Les justes limites de l’action (Comportement juste)
Un des aspects de l’autodiscipline est de se réfréner d’avoir des types de comportements destructeurs. L’autre aspect consiste à s’engager dans des façons d’agir constructives, c’est ce qu’on appelle le « comportement juste ».
Ainsi, au lieu d’ôter la vie aux autres, vous aidez activement à la préserver. Une application plus large de ce principe consiste à ne pas dégrader l’environnement mais d’en prendre soin afin que les animaux et les poissons puissent vivre librement. Nourrir vos porcs, si vous en avez, non pas tant afin de les engraisser pour pouvoir les manger, mais pour qu’ils prospèrent, c’est préserver la vie. Nourrir votre chien, c’est aussi une façon de préserver la vie ! Cela comprend aussi le fait de prendre soin des malades et d’aider les blessés.
Par exemple, la mouche ou l’abeille qui vrombit dans votre chambre… Ni l’une ni l’autre n’a envie d’être là. Elles veulent sortir mais ne savent pas comment faire, aussi ce n’est pas très gentil de votre part de les tuer pour la seule raison qu’elles volent par inadvertance dans votre chambre, n’est-ce pas ? Vous pouvez les aider à sortir en ouvrant une fenêtre ou en les chassant par un cri – cela aussi c’est préserver la vie. Tout ce que souhaite l’abeille, c’est de vivre ! Si un oiseau s’introduisait par mégarde dans votre chambre, vous ne sortiriez pas un fusil pour l’abattre, n’est-ce pas ? Entre l’abeille et l’oiseau il n’y a qu’une différence de taille, d’apparence, et de bruit qu’ils font. Si vous n’aimez pas que des mouches rentrent dans votre chambre, n’ouvrez pas vos fenêtres ou bien mettez des moustiquaires !
En ce qui concerne le vol, l’action juste consiste à protéger les biens d’autrui. Si quelqu’un nous prête quelque chose, nous prenons grand soin de ne pas l’abîmer. Essayons également d’aider les autres à avoir de belles choses.
Au lieu d’avoir un comportement sexuel inapproprié, ce qui comprend non seulement la sexualité avec d’autres mais aussi avec soi-même, nous devons nous comporter sexuellement de manière douce et bienveillante et non pas comme un chien en rut ou une chienne en chaleur.
Autres exemples de comportements justes et erronés
Si nous étendons le champ de notre discussion, nous voyons qu’il y a bien d’autres aspects concernés par ces trois types de comportement.
Par exemple, un prolongement du fait de ne pas tuer est d’arrêter de traiter les autres avec brutalité. Cela inclut non seulement le fait de ne pas les malmener, mais aussi de ne pas les forcer ou les épuiser à faire des choses qui pourraient leur causer un quelconque dommage physique. Ceci est tout aussi valable pour nous-mêmes – nous ne nous épuisons pas à la tâche, pas plus que nous mangeons ou dormons insuffisamment. À propos des comportements, nous pensons plus souvent à les appliquer aux autres, mais il est important aussi de se les appliquer à soi-même.
En ce qui concerne le vol, il ne s’agit pas seulement de prendre les biens d’autrui, c’est aussi de s’en servir sans en avoir préalablement fait la demande. Comme, par exemple, le fait d’utiliser le téléphone de quelqu’un pour passer un appel coûteux, ou de se servir de nourriture dans le réfrigérateur des autres sans leur permission. De même, se faufiler dans un cinéma sans payer, ou bien encore – les gens n’aiment pas qu’on leur parle de ça – ne pas payer ses impôts ! Cela aussi, c’est du vol. Nous pouvons toujours objecter : « Bon ! Je ne tiens pas à payer mes impôts car cela sert à financer les guerres ou à acheter des armes. » Mais en réalité cela sert aussi à faire des routes et à construire des hôpitaux, des écoles, etc. Pour pouvoir en bénéficier il faut payer des impôts !
Et qu’en est-il des téléchargements illicites ou des piratages de logiciels ou de vidéos, est-ce du vol ? Je pense que oui, surtout s’il est explicitement mentionné « téléchargement interdit sans acquittement préalable de droits ». Dans ce cas, c’est clair. Il n’y a aucun moyen de dire que ce n’est pas du vol. Le principe reste de fixer des limites. Il existe tout un éventail entre faire tout ce qu’on veut sans se soucier des conséquences et ne rien faire du tout, n’est-ce pas ? Pour ce qui est du vol, on pourrait se dire : « je ne vais ni dévaliser une banque ni voler à l’étalage dans un magasin, mais pour ce qui est de faire un téléchargement sans payer, ça, je ne peux m’en empêcher pour le moment ». Au moins cela a le mérite d’établir des limites, mais il reste cependant important d’admettre que le fait de télécharger sans payer est du vol. Il y a aussi une grande différence dans le fait de télécharger des documents quand on est en mesure de payer et quand on est sans argent. Dans le cas où on peut payer et qu’on ne le fait pas, c’est plus grave, c’est être simplement radin et malhonnête ! Il faut s’en garder.
Sur cette question du vol, on pourrait examiner nos comportements et évitons de gaspiller de l’argent pour des choses triviales. Jouer à des jeux d’argent, par exemple, c’est faire un mauvais usage de nos possessions. De même, nous ne devrions pas être avares envers nous-mêmes quand nous disposons de moyens suffisants. Un exemple : nous avons les moyens d’avoir un régime sain et d’acheter de la nourriture de bonne qualité, mais si nous sommes avares, nous achetons la nourriture la moins chère et de la plus mauvaise qualité. C’est comme si l’on se volait soi-même !
Pour ce qui est des comportements sexuels inappropriés, il ne s’agit pas juste de se jeter dans les bras des autres ou de leurs partenaires, il s’agit aussi de s’empêcher de se livrer à des actes sexuels qui pourraient mettre en danger notre santé physique ou affective. Par exemple, on rencontre quelqu’un pour qui on éprouve une forte attirance, et, d’une certaine façon, on aimerait avoir une relation sexuelle cette personne. Le problème, c’est qu’elle est la proie de toutes sortes de perturbations émotionnelles et autres difficultés, et on en vient à réaliser que si l’on engage une relation avec elle, cela ne pourra que conduire à une situation trouble. Aussi, pour notre propre sauvegarde, nous nous abstenons. Nous ne devrions pas nous laisser dominer par le désir sexuel uniquement parce qu’une personne est belle !
Que faire quand nous avons franchi les limites que nous nous étions fixées
Inévitablement, en ce qui concerne notre comportement, de temps à autre, il arrive que nous franchissions les limites que nous nous étions fixées. C’est la raison pour laquelle le bouddhisme propose une série de mesures à opposer à de telles situations :
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Reconnaîtreles faits. Être honnête avec soi-même.
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Regretter l’acte, en souhaitant ne l’avoir pas commis, quel qu’il soit. Ceci est différent de la culpabilité qui fait de vous une personne affreuse et vous empêche de lâcher prise.
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Prendre la résolution d’essayer de ne pas répéter l’acte.
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Raffermir votre motivation par laquelle nous ne voulons pas transgresser les limites fixées car cela conduit à se sentir malheureux et est une cause de problèmes.
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Appliquer un antidote. Par exemple, si nous avons crié après quelqu’un, nous pouvons sincèrement nous excuser auprès d’elle en expliquant que nous avons cédé à un mouvement d’humeur, ou autre raison.
Les moyens de subsistance
Cela concerne la façon dont nous survenons à nos besoins. Certains sont éthiquement corrects, d’autres ne le sont pas.
Moyens de subsistance erronés
Cela concerne le fait d’éviter de gagner de l’argent par le biais d’un commerce nuisible, ou d’une façon dommageable pour nous-mêmes ou autrui. Cela comprend par exemple le fait de :
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Fabriquer ou faire le commerce des armes
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Abattre des animaux, chasser, pêcher et exterminer des insectes
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Fabriquer, vendre ou servir de l’alcool ou de la drogue
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Diriger un établissement de jeux d’argent
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Publier ou distribuer de la pornographie.
Ces façons de gagner sa vie causent du tort à autrui, comme, par exemple, la pornographie, qui ne fait qu’augmenter le désir et la luxure. Même si nous faisons un métier correct, il est important de rester honnête et d’éviter toute malhonnêteté comme :
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La surfacturation des clients afin d’en soutirer le plus d’argent possible
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Le détournement de fonds, prendre dans la caisse pour son propre usage
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L’extorsion, effrayer les gens pour prendre leur argent
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La corruption
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L’exploitation d’autrui
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La fausse publicité
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Altérer ou frelater nourriture ou marchandises pour faire plus de profit.
Il y a tant de façons malhonnêtes de gagner sa vie ! Nous devons suivre une autodiscipline conforme à l’éthique pour éviter ce genre de moyens de subsistance.
Moyens de subsistance justes
Nous devrions tendre vers des moyens de subsistance honnêtes qui puissent être bénéfiques à la société, comme :
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La médecine
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L’assistance sociale
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Un commerce équitable et honnête
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Fabriquer ou vendre des produits et des services qui soient profitables aux autres.
Tout ce qui contribue à un fonctionnement sain de la société et au bien-être d’autrui est excellent. En outre, nous devrions :
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Ne pas gruger les autres, ni les faire payer trop cher
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Fixer un prix correct, afin de faire un profit, mais dans le mesure du raisonnable
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Bien rétribuer nos employés afin de ne pas les exploiter.
Un point souvent évoqué dans les questions qu’on pose est celui des besoins. Une fois, alors que je traduisais pour un maître tibétain en Australie où, comme l’on sait, il y a d’immenses troupeaux de moutons, quelqu’un a demandé : « Dans la ville où j’habite, le seul travail disponible est d’élever des moutons, qui fournissent ensuite de la laine et de la viande. Que dois-je faire ? Je ne peux ni déménager dans une autre ville, ni essayer de trouver un autre travail. » Le lama tibétain répondit : « La chose principale est de rester honnête dans son travail et de ne pas essayer de rouler les autres ; dans votre cas cela consiste à ne pas maltraiter les moutons mais, au contraire, de les traiter avec bienveillance, de bien les nourrir et de prendre bien soin d’eux. » Ainsi, le point important est d’être bon et honnête.